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Samedi 20 novembre 2010 à 12:41

Heartless


  Il était une fois un jeune garçon, que l'on nommera Heartless.

  Ce jeune homme était né avec ce qu'on pourrait appeler une anomalie: son coeur était dissocié dans son corps. Cet organe était sorti du ventre de sa mère après lui, attaché par un cordon. Il fonctionnait, les médecins ne purent avoir aucun doute là-dessus, mais ce moteur de la vie était en dehors de son propriétaire, battant aussi fort que s'il était à l'intérieur. Le coeur était toujours accroché au petit bébé qui pleurait à plein poumon dans les bras tremblants de sa mère, horrifiée. Le père, lui, restait à l'autre bout de la pièce, impassible.
  Malgré cette différence, le nouveau né grandit sans aucun problème notable. Les parents, ainsi que son frère et sa soeur, évitaient bien sûr de toucher ce coeur à l'air libre, de peur de le blesser.
  Ils l'évitaient autant que possible.

  Les années passèrent, et Heartless entra en primaire.

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  Les choses prirent une nouvelle tournure, comparé aux années de maternelle. Heartless se rendit compte qu'il était bien différent des autres. Il faisait peur. Cette peur qui se lisait sur tous les visages se changeait en haine ou en mépris. Et donc Heartless n'avait pas d'amis.
  Il restait seul durant des heures, à regarder ses camarades jouer et partager un bonheur qui lui était inconnu. Des fois, un professeur, prit de pitié, proposait aux élèves normaux de jouer avec Heartless au lieu de le laisser seul - mais heureux - dans son coin durant la pause.
  Et ces moments là, Heartless fini par les redouter.

  Son coeur se révélait être un fardeau. Ne pouvant le laisser dans ses bras, Heartless posait cette faiblesse à côté de lui, tout en jouant maladroitement au football. Il recevait du mieux qu'il pouvait la balle, et parfois, il arrivait à la renvoyer. Ce coeur, au sol, fut maintes fois frappé du pied par ses camarades, maladroitement par certains qui le prenait pour une balle, ou intentionnellement par les autres pour lui faire mal. Ca les faisaient rire.
  Heartless souffrait énormément dans ces moments là. Le coeur, sous les coups, se durcissait, mais probablement pas assez.

  Et les années de primaire passèrent ainsi.

  Heartless arriva au collège, et sa douleur augmenta. Au collège, Heartless apprit à ne pas faire confiance aux autres. Il apprit à tenir son coeur plus près de lui, à le serrer encore plus fort dans ses bras. Son coeur s'était endurci pendant la primaire, mais sûrement pas assez à son goût pour le collège.
  Alors Heartless frappait lui aussi son coeur. Il le maudissait. Il maudissait ce coeur qui le rendait si différent des autres.

  A force d'être aggréssé, le coeur d'Heartless devint dur comme la pierre. Une carapace se formait. Avec cette carapace, Heartless pouvait laisser trainer le coeur derrière lui, les gens le frappait mais ça n'avait presque plus aucune repercution sur lui. Il se croyait guéri pour de bon, il pourrait être normal à présent.

  Heartless entra au lycée.

  Ici tout semblait différent. Le coeur d'Heartless ne se faisait plus agresser. Les élèves avaient légèrement mûri, les gens ne le regardaient plus aussi étrangement qu'en primaire ou qu'au collège. Heartless restait tout de même seul, à chaque fois qu'il regardait son coeur meurtri il se souvenait des douleurs qu'on lui avait fait endurer par le passé. Il ne voulait plus endurer ça, plus jamais.

  Toutefois, il était jaloux.

  Il était jaloux de ces gens qui riaient, bavardaient, s'aimaient. Il était jaloux de ces rires qui lui étaient inaccessible à cause de cette peur encrée dans son coeur. Tout ça pouvait bien apporter le bonheur, mais risquaient aussi d'aggraver son malheur.
  Donc Heartless laissait son coeur trainer par terre, indifférent aux coups multiples et accidentels que se prenait l'organe, pour qu'ainsi il reste dur et  impassible à ce bonheur l'environnant. Mais c'était vain. La jalousie se développait plus vite qu'une infection.
  Heartless prit alors un risque. Il ouvrit légérement son coeur.

  Il connu alors le bonheur, ou en tout cas une partie. Par cette petite ouverture dans sa carapace, Heartless trouvait le courage de faire confiance - un minimum toutefois - à certaines personnes.
  Bien sûr plusieurs de ces personnes le trahirent, lui mentirent, et donc touchèrent son coeur. Mais cette brêche qu'il avait créé était si petite, si étroite, qu'elle permettait une guérison rapide. Cette brêche, si ouverte soit-elle du point de vue de Heartless, ne lui permettait pas d'atteindre le plus grand bonheur, celui qui lui faisait le plus mal, le plus rêver, le plus jalouser et le plus peur. L'amour.

  Pour cet ultime but, Heartless le savait, il ne suffirait pas de ce petit défaut dans la carapace. La carapace devait être détruite, le coeur devait être attendri.

  Mais il était trop tard.

  Les années, remplies de tentatives infructueuses, étaient uniquement les témoins d'un échec cuisant. Heartless restait lui-même: un garçon endurçi par la discrimination des autres, affaiblit par ce coeur trop présent, et brulé à vif par son avarice.
  Heartless referma la petite brêche, mais il resta hanté pour le reste de sa vie par ce bonheur qu'il avait frolé du bout des doigts. Un jour, il partit seul dans une forêt sombre, et il y construisit une cabane tout en haut de l'arbre le plus solide et le plus haut qu'il pu trouver. Il resta là pour le reste de ses jours.

  Des décénnies plus tard, des oiseaux picoraient à cet endroit même le coeur mi-dur mi-tendre d'un vieillard mort dans la solitude la plus totale.
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