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Vendredi 12 novembre 2010 à 14:36

Crépuscule




  Il était une fois, dans un monde bien différent du notre, deux individus que rien, au premier abord, ne destinait à se rencontrer. L'un de ces personnages, une femme, n'apparaissait que la nuit venue. Cette fille, toujours vêtue d'une longue robe sombre comme ses cheveux, se mettait à danser dès le coucher du soleil. Mais cette danse n'était pas ordinaire, non. Il y avait dans les mouvements de la jeune femme quelque chose de magique, qui offrait alors à la nuit l'occasion d'apparaître.

L'on nommait cette femme "La Danseuse de la Nuit".

  L'autre individu était un jeune humain comme les autres, sauf que personne ne semblait le comprendre. On disait de ce dernier qu'il était "dans son monde", et on ne le dérangeait point. Certains villageois avaient tout de même remarqué quelque chose d'étrange: jamais, en la présence de ce garçon, le soleil ne se cachait, même derrière un nuage. Et à chaque couché de soleil, le personnage ne pouvait s'empêcher de fermer les paupières, pour se réveiller qu'aux premiers rayons du soleil.

L'on surnommait ce garçon "Le Fils de la Lumière".




  Le Fils de la Lumière avait pris une habitude depuis plusieurs jours, celle de dormir dans la forêt, à la belle étoile. Cette habitude, il l'avait prise pour regarder danser une jeune fille, vêtue d'un longue robe noire. Une fille qu'il trouvait très jolie.

  Elle l'hypnotisait.

  Malheureusement, de cette danse commençant à la tombée de la nuit, il ne pouvait en voir que le début. Car dès le couché du soleil, ses paupières se fermaient, et il voyait à travers ses yeux presque clos cette fille apparaître de son pas dansant.


  Et le jeune homme, envoûté, voulait à tout prix voir cette fille, quoi qu'il en coûte. Un jour, il trouva enfin le courage de déposer une lettre pour cette déesse de la nuit, juste avant de s'endormir. Il y exprimait tous ses sentiments, et proposait à cette si belle fille de rester au levée du soleil pour lui tenir compagnie. Il déposa alors plein d'espoir cette lettre, et attendit d'entre-apercevoir la danseuse de la nuit, avant de rejoindre sans tarder le monde des rêves.
  A son réveil, il s'empressa de chercher la jeune fille du regard, mais il ne retrouva que sa lettre, à ses pieds. Elle avait été lu, sans aucun doute: la lettre avait été sortie de son enveloppe, et des taches d'eau étaient visibles par-ci par-là. Mais aucun signe de la fille. Et aucune réponse.

  Il ré-écrivit chaque soir. Et il revoyait ces taches d'eau le lendemain, mais jamais la belle jeune fille.

  Il continua, mais ne la vit jamais.

  Au fil des jours, la colère écrasait l'amour, et l'espoir laissait place au désespoir. La haine tuait ses sentiments autrefois si purs. S'il voulait toujours voir cette fille, c'était pour tenter de lui montrer sa rage, ce qu'elle provoquait chez lui désormais. Il en vint à lui vouloir du mal, puis irrémédiablement, il souhaita sa mort. Il restait néanmoins modéré dans ses lettres: rien, ou presque, ne laissait deviner sa haine envers elle, d'après lui.

  Un jour son envie de meurtre le domina. Il déposa une magnifique bouteille en cristal, remplie d'un liquide bleu-nuit au délicieux parfum d'aurore, sans bien sûr préciser que ce liquide était un poison mortel à l'intérieur. "Bois ce délicieux nectar, Belle Fille de la Nuit.", y avait-il écrit sur sa dernière lettre.

  Quand il se leva le lendemain, il retrouva la jeune femme allongée, son visage si pâle à quelques centimètres du sien, et un magnifique sourire ornait ses douces lèvres. Il pouvait enfin la voir. Qu'elle était belle, la Danseuse de la Nuit.

  Des larmes coulèrent alors de ses yeux bleus, reflets de son bonheur, mais aussi de ses regrets.


*
*   *


  La Danseuse de la Nuit ne vivait qu'une fois les ténèbres chassant la lumière sur la terre des humains. Elle n'apparaissait qu'au couché du soleil, pour disparaître ensuite une fois la lumière réapparue. Et dès son arrivée, elle dansait, toute la nuit.

  Elle remarqua un jour qu'un jeune garçon, assez charmant, la regardait chaque soir, juste avant de s'endormir brutalement. Elle pouvait le voir assoupi toute la nuit au même endroit, pendant qu'elle dansait.
  Un jour, ou plus précisément un soir, elle vit une lettre près du jeune homme assoupi. Ce qu'il lui avait rédigé la touchait profondément, mais elle était trop timide pour répondre, et elle était réaliste avant tout. Elle ne pourrait jamais voir ce garçon éveillé, elle le savait. Elle décida donc de ne pas répondre, et c'est ce qu'elle fit chaque fois: elle ne répondit à aucune des lettres, en espérant que cette folle passion quitte le corps du jeune homme.
  Les jours passaient, et la jeune femme était consciente que les sentiments du garçon se modifiaient progressivement. Elle savait qu'il la haïssait de plus en plus... mais elle avait fait un choix. Pour lui, pour elle.

  Et un jour elle découvrit le cadeau.

  Sachant ce qu'il y avait à l'intérieur, elle fit un baiser d'adieu au garçon endormi, but, et mourut lentement, après s'être posée à côté du Fils de la Lumière, qu'elle fixa une dernière fois avant sa mort.


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  Depuis ces évènements, plus jamais les ténèbres n'osèrent apparaître en ces lieux.
 

Samedi 20 novembre 2010 à 12:41

Heartless


  Il était une fois un jeune garçon, que l'on nommera Heartless.

  Ce jeune homme était né avec ce qu'on pourrait appeler une anomalie: son coeur était dissocié dans son corps. Cet organe était sorti du ventre de sa mère après lui, attaché par un cordon. Il fonctionnait, les médecins ne purent avoir aucun doute là-dessus, mais ce moteur de la vie était en dehors de son propriétaire, battant aussi fort que s'il était à l'intérieur. Le coeur était toujours accroché au petit bébé qui pleurait à plein poumon dans les bras tremblants de sa mère, horrifiée. Le père, lui, restait à l'autre bout de la pièce, impassible.
  Malgré cette différence, le nouveau né grandit sans aucun problème notable. Les parents, ainsi que son frère et sa soeur, évitaient bien sûr de toucher ce coeur à l'air libre, de peur de le blesser.
  Ils l'évitaient autant que possible.

  Les années passèrent, et Heartless entra en primaire.

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  Les choses prirent une nouvelle tournure, comparé aux années de maternelle. Heartless se rendit compte qu'il était bien différent des autres. Il faisait peur. Cette peur qui se lisait sur tous les visages se changeait en haine ou en mépris. Et donc Heartless n'avait pas d'amis.
  Il restait seul durant des heures, à regarder ses camarades jouer et partager un bonheur qui lui était inconnu. Des fois, un professeur, prit de pitié, proposait aux élèves normaux de jouer avec Heartless au lieu de le laisser seul - mais heureux - dans son coin durant la pause.
  Et ces moments là, Heartless fini par les redouter.

  Son coeur se révélait être un fardeau. Ne pouvant le laisser dans ses bras, Heartless posait cette faiblesse à côté de lui, tout en jouant maladroitement au football. Il recevait du mieux qu'il pouvait la balle, et parfois, il arrivait à la renvoyer. Ce coeur, au sol, fut maintes fois frappé du pied par ses camarades, maladroitement par certains qui le prenait pour une balle, ou intentionnellement par les autres pour lui faire mal. Ca les faisaient rire.
  Heartless souffrait énormément dans ces moments là. Le coeur, sous les coups, se durcissait, mais probablement pas assez.

  Et les années de primaire passèrent ainsi.

  Heartless arriva au collège, et sa douleur augmenta. Au collège, Heartless apprit à ne pas faire confiance aux autres. Il apprit à tenir son coeur plus près de lui, à le serrer encore plus fort dans ses bras. Son coeur s'était endurci pendant la primaire, mais sûrement pas assez à son goût pour le collège.
  Alors Heartless frappait lui aussi son coeur. Il le maudissait. Il maudissait ce coeur qui le rendait si différent des autres.

  A force d'être aggréssé, le coeur d'Heartless devint dur comme la pierre. Une carapace se formait. Avec cette carapace, Heartless pouvait laisser trainer le coeur derrière lui, les gens le frappait mais ça n'avait presque plus aucune repercution sur lui. Il se croyait guéri pour de bon, il pourrait être normal à présent.

  Heartless entra au lycée.

  Ici tout semblait différent. Le coeur d'Heartless ne se faisait plus agresser. Les élèves avaient légèrement mûri, les gens ne le regardaient plus aussi étrangement qu'en primaire ou qu'au collège. Heartless restait tout de même seul, à chaque fois qu'il regardait son coeur meurtri il se souvenait des douleurs qu'on lui avait fait endurer par le passé. Il ne voulait plus endurer ça, plus jamais.

  Toutefois, il était jaloux.

  Il était jaloux de ces gens qui riaient, bavardaient, s'aimaient. Il était jaloux de ces rires qui lui étaient inaccessible à cause de cette peur encrée dans son coeur. Tout ça pouvait bien apporter le bonheur, mais risquaient aussi d'aggraver son malheur.
  Donc Heartless laissait son coeur trainer par terre, indifférent aux coups multiples et accidentels que se prenait l'organe, pour qu'ainsi il reste dur et  impassible à ce bonheur l'environnant. Mais c'était vain. La jalousie se développait plus vite qu'une infection.
  Heartless prit alors un risque. Il ouvrit légérement son coeur.

  Il connu alors le bonheur, ou en tout cas une partie. Par cette petite ouverture dans sa carapace, Heartless trouvait le courage de faire confiance - un minimum toutefois - à certaines personnes.
  Bien sûr plusieurs de ces personnes le trahirent, lui mentirent, et donc touchèrent son coeur. Mais cette brêche qu'il avait créé était si petite, si étroite, qu'elle permettait une guérison rapide. Cette brêche, si ouverte soit-elle du point de vue de Heartless, ne lui permettait pas d'atteindre le plus grand bonheur, celui qui lui faisait le plus mal, le plus rêver, le plus jalouser et le plus peur. L'amour.

  Pour cet ultime but, Heartless le savait, il ne suffirait pas de ce petit défaut dans la carapace. La carapace devait être détruite, le coeur devait être attendri.

  Mais il était trop tard.

  Les années, remplies de tentatives infructueuses, étaient uniquement les témoins d'un échec cuisant. Heartless restait lui-même: un garçon endurçi par la discrimination des autres, affaiblit par ce coeur trop présent, et brulé à vif par son avarice.
  Heartless referma la petite brêche, mais il resta hanté pour le reste de sa vie par ce bonheur qu'il avait frolé du bout des doigts. Un jour, il partit seul dans une forêt sombre, et il y construisit une cabane tout en haut de l'arbre le plus solide et le plus haut qu'il pu trouver. Il resta là pour le reste de ses jours.

  Des décénnies plus tard, des oiseaux picoraient à cet endroit même le coeur mi-dur mi-tendre d'un vieillard mort dans la solitude la plus totale.

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